6 février 2020
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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nécessité de passer par le truchement de tiers ou de professionnels pour accéder à l’information, accomplir des
formalités administratives, maintenir des contacts, complexifie les démarches et dépossède les personnes privées de
liberté de leur autonomie au regard de l’état d’avancement de ces opérations et du temps nécessaire pour les
effectuer, qui dépendent entièrement de la disponibilité et la bonne volonté des tiers.
De nombreux droits des personnes privées de liberté sont dès lors affectés par cette médiation imposée.
La préparation de leur défense (exercice d’un recours contre la mesure privative de liberté, le régime
d’enfermement ou toute mesure qu’elles estiment porter atteinte à leurs droits fondamentaux), au même titre que
l’exercice de droits qui ne sont pas en principe limités par leur situation de privation de liberté (droit de propriété,
droit de la consommation, exercice de l’autorité parentale, etc.), impliquent un accès à des services d’assistance
juridique (avocats, associations de défense, etc.), à des modalités de dépôt de requêtes en ligne (comme le service
Télérecours citoyens pour le contentieux administratif) et à l’information juridique (dispositions légales et
réglementaires, formulaires, etc.).
L’exercice effectif du droit au maintien des liens avec l’extérieur implique de pouvoir communiquer par le
biais de courriers électroniques ou d’effectuer des appels audio et vidéo via internet, qui diminuent les délais et les
coûts de communication, mettant ainsi les personnes privées de liberté, notamment étrangères, davantage en
mesure de conserver des liens avec leur environnement familial, social et culturel.
L’acquisition d’une adresse électronique, de moyens de paiement en ligne ou encore de coffres-forts
numériques (7) sont par ailleurs devenus incontournables pour effectuer certaines démarches administratives
dématérialisées (8), ainsi que le souligne le Défenseur des droits dans son rapport intitulé Dématérialisation et
inégalités d’accès aux services publics publié en janvier 2019. Dans ces conditions, un accès à des outils de
numérisation et d’impression (scanners, imprimantes, etc.) doit être aménagé dans tous les lieux de privation de
liberté.
Au regard du droit à l’éducation, qui comprend le droit à la formation professionnelle et aux enseignements
secondaires et supérieurs, il est nécessaire que les intervenants de l’éducation nationale ou de tout autre organisme
de formation ou d’enseignement qui exercent dans les lieux de privation de liberté, à l’attention des mineurs aussi
bien que des majeurs, aient accès aux outils adéquats, autrement dit à des terminaux en nombre suffisant et
connectés à internet, pour assurer pleinement leur mission. Les personnes privées de liberté qui souhaitent, de
manière autonome, bénéficier d’une formation à l’informatique, à internet ou à tout autre enseignement dispensé à
distance ou nécessitant la recherche et la consultation d’informations en ligne, doivent également pouvoir accéder
au matériel connecté approprié.
La transformation numérique du travail (travail à distance notamment) pourrait utilement s’étendre aux lieux de
privation de liberté au vu de la faible offre d’activités professionnelles accessible dans ces lieux, des fortes
contraintes inhérentes à la situation d’enfermement et des besoins financiers importants (charges de famille, frais
internes et externes, condamnations pécuniaires, etc.) d’une population au capital économique souvent faible. Dans
cette perspective, les populations captives doivent pouvoir accéder à des formations leur permettant de développer
et d’acquérir des compétences liées à l’informatique et au numérique, en vue de travailler en captivité et de
bénéficier des nombreux débouchés professionnels offerts par la maîtrise de ces technologies.
L’objectif de réinsertion implique en effet que la fracture entre « l’intérieur » et « l’extérieur » soit limitée
autant que possible et que des démarches puisent être initiées depuis les lieux de privation de liberté, en favorisant
l’autonomie des personnes concernées et en accompagnant les plus démunies vers l’acquisition de leur
indépendance, en vue de leur retour dans la société. Les personnes privées de liberté doivent ainsi être mises en
mesure d’entrer en relation avec des institutions et organismes extérieurs (structures d’hébergement, établissements
de santé, organismes intervenant dans le domaine du travail et de la formation, etc.), d’ouvrir leurs droits ou encore
d’effectuer des formalités administratives, afin d’anticiper le rétablissement de certains de leurs droits et d’éviter un
délai de carence préjudiciable à leur réinsertion.
2. L’accès à internet au regard des spécificités des lieux ou des publics accueillis
Dans les lieux de rétention administrative, ni le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
(CESEDA), ni les règlements intérieurs (9) ne prohibent l’accès à internet des personnes retenues, sans pour autant
l’autoriser explicitement ou l’organiser concrètement. Néanmoins, une circulaire du 14 juin 2010 (10) relative à
l’harmonisation des pratiques dans les centres et les locaux de rétention administrative et lors de l’exécution des
escortes, qui fixe les règles quant au retrait ou à l’autorisation de conserver des objets dans les lieux de rétention
administrative et contient une liste des « objets autorisés » et des « objets déposés à l’arrivée », inclut dans la
première catégorie le « téléphone portable démuni d’appareil photographique » et, dans la seconde, les « appareils
informatiques ou électroniques permettant la prise de vue ». Or, la pratique consistant à retirer systématiquement
aux personnes retenues les téléphones portables ou autres terminaux équipés d’un appareil photographique (le plus
souvent munis d’un accès à internet) n’est pas justifiée par un motif lié à la sécurité des biens et des personnes mais
par les dispositions légales et réglementaires relatives à la protection du droit à l’image (11), alors que les sanctions
pénales encourues pour atteinte à la vie privée pourraient utilement faire l’objet d’un affichage, en plusieurs
langues, au sein des locaux de rétention, en vue de prévenir toute infraction dans ce domaine.
Dans ces conditions, le CGLPL recommande que tous les appareils informatiques ou électroniques soient
autorisés en centre de rétention administrative, même ceux permettant la prise de vue. Il recommande
également que les zones d’hébergements soient équipées de rangements comportant un dispositif de
fermeture afin que chaque personne retenue puisse mettre ses biens en sécurité, qu’il s’agisse de son
téléphone ou de tout autre matériel informatique personnel, et en user sans dépendre de la disponibilité des
fonctionnaires. Enfin, un accès wifi et une salle équipée de terminaux (ordinateurs, imprimantes,