CRC/C/88/D/95/2019
2.8
Après une deuxième tentative infructueuse de franchissement de la frontière avec la
Roumanie, l’auteure et M. K. A. H. ont de nouveau été interceptés et renvoyés au camp, où
ils sont restés pendant environ cinq mois.
2.9
L’auteure et M. K. A. H. sont ensuite retournés en Turquie, d’où ils se sont rendus en
Suisse, cachés à l’arrière d’un véhicule. Ce dernier voyage a duré de cinq à sept jours. En
arrivant en Suisse, ils ont immédiatement recherché le frère de l’auteure et sa famille, chez
qui ils sont restés deux jours avant de se présenter aux autorités suisses.
2.10 Le 6 août 2018, l’auteure et M. K. A. H. ont déposé une demande d’asile. Ils n’étaient
pas représentés par un conseil parce qu’ils n’avaient pas les moyens financiers pour le payer.
L’auteure a attiré l’attention sur le fait que son frère était le seul membre de sa famille en
Europe, qu’elle avait perdu beaucoup de membres de sa famille pendant le conflit, qu’elle
était « psychologiquement épuisée » et qu’elle avait besoin de la sécurité que lui apportait la
présence de son frère et de sa famille. Elle a demandé à pouvoir vivre dans le canton où vivait
son frère. M. K. A. H. n’a pas eu la possibilité d’être entendu pendant les entretiens.
2.11 Le 4 septembre 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a demandé aux autorités
bulgares de réadmettre l’auteure et M. K. A. H. en vertu de l’Accord entre le Conseil fédéral
suisse et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la réadmission de personnes
en situation irrégulière, du 21 novembre 2008. Le 7 septembre 2018, les autorités bulgares
ont accédé à cette demande.
2.12 Le 25 septembre 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a décidé de rejeter la
demande d’asile de l’auteure et de M. K. A. H. et a ordonné leur renvoi vers la Bulgarie, où
ils bénéficient d’une protection subsidiaire. Selon le Secrétariat d’État, même si les
allégations concernant leur traitement en Bulgarie étaient vraies, l’auteure et M. K. A. H.
pouvaient bénéficier d’une protection sociale et faire valoir leurs droits devant les tribunaux.
2.13 Le 3 octobre 2018, l’auteure, représentée cette fois-ci par un conseil, a présenté un
recours devant le Tribunal administratif fédéral. Elle a souligné qu’elle n’avait eu accès à
aucune mesure d’intégration pendant son séjour en Bulgarie et que M. K. A. H. n’avait pas
été scolarisé. Elle a évoqué le risque de traitements inhumains et dégradants dans les camps
de demandeurs d’asile en Bulgarie. En tant que mère célibataire, elle aurait des difficultés à
trouver un emploi rémunéré et se retrouverait certainement sans abri. Cela équivaudrait à un
traitement inhumain et dégradant pour son fils. Elle devait avoir accès à des soins de
réadaptation, ce qui était possible en Suisse et avait des chances de réussir, mais ne serait pas
possible en Bulgarie. Elle a expliqué que son frère et sa famille étaient les seules relations
familiales en Europe, et qu’elle et son fils dépendaient d’eux pour leur santé psychologique
et émotionnelle ainsi que leur intégration sociale.
2.14 Le 30 avril 2019, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de l’auteure et a
confirmé la décision du Secrétariat d’État aux migrations. Le Tribunal a ajouté que la
Bulgarie disposait de structures médicales et de possibilités de soins qui étaient à même de
traiter les affections alléguées par l’auteure concernant ses troubles mentaux.
2.15 Le 24 juin 2019, l’auteure et M. K. A. H. ont déposé une demande de reconsidération
auprès du Secrétariat d’État aux migrations, laquelle a été rejetée le 25 juin 2019. Le 11 juillet
2019, ils ont déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral. Le Tribunal a estimé
que le recours n’avait pas de perspectives raisonnables de succès et a imposé des frais de
justice anticipés d’un montant équivalent à 1 626,73 dollars des États-Unis. L’auteure n’a pas
été en mesure de payer les frais de justice anticipés, et le Tribunal a rejeté le recours pour
défaut de paiement le 14 août 2019 sans examiner le fond. L’auteure affirme qu’elle a épuisé
toutes les voies de recours internes.
Teneur de la plainte
3.1
L’auteure affirme que les droits de M. K. A. H. au titre des articles 2 (par. 2), 6, 7, 16,
22, 24, 27, 28, 29, 37 et 39 de la Convention seraient violés par l’État partie en cas de renvoi
vers la Bulgarie, où il court un risque réel de subir un traitement inhumain et dégradant.
3.2
L’auteure affirme que les droits de M. K. A. H. au titre de l’article 2 (par. 2) de la
Convention seraient violés en cas de renvoi parce qu’il se verrait refuser la reconnaissance
de son statut d’apatride. La Bulgarie n’a pas mis en place de législation qui permettrait à
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