CAT/C/CMR/CO/5
2014 et auraient été conduites à la gendarmerie de Maroua, où 25 personnes seraient mortes
le soir même après ingestion de produits chimiques et plus de 100 personnes seraient
portées disparues. Le Comité prend acte du fait que le commandant de la légion de
gendarmerie de Maroua a été relevé de ses fonctions et poursuivi devant le tribunal
militaire suite aux décès de 25 détenus, mais il regrette que l’État partie n’ait pas indiqué si
des enquêtes avaient été initiées pour chercher les personnes signalées comme disparues ou
les personnes tuées dans des opérations de ratissage. Le Comité est aussi alarmé par des
informations émanant de sources crédibles indiquant que sept personnes auraient été tuées
par le bataillon d’intervention rapide lors d’une opération à Bornori en novembre 2014,
qu’au moins 30 personnes auraient été tuées par l’armée à Achigachiya en janvier 2015 et
que 17 nouveaux cas de disparitions forcées auraient été recensés entre avril 2015 et février
2016. En dépit des questions du Comité à ce sujet, l’État partie n’a pas apporté les
précisions voulues concernant d’éventuelles enquêtes sur ces disparitions et décès (art. 2,
12, 14 et 16).
10.
Le Comité recommande à l’État partie :
a)
De prendre immédiatement des dispositions pour renforcer les
mesures de protection des civils et exercer un contrôle rigoureux sur les forces de
sécurité afin de les empêcher d’avoir recours aux exécutions extrajudiciaires,
disparitions forcées et détentions arbitraires ;
b)
De s’acquitter pleinement de son obligation de veiller à ce que toutes les
allégations de crimes et d’exactions graves dont se rendraient responsables Boko
Haram et certaines forces étatiques, y compris des exécutions extrajudiciaires,
arbitraires et sommaires et des disparitions forcées, fassent l’objet d’enquêtes
impartiales, et que les responsables soient punis ;
c)
De diligenter sans délai la mise sous surveillance des sites présumés de
fosses communes et de commencer le processus d’exhumation, d’analyse et
d’identification des corps, le cas échéant ;
d)
De mettre tout en œuvre pour rechercher les personnes signalées comme
disparues, en particulier celles qui le seraient après avoir été arrêtées par les forces de
l’ordre, et de veiller à ce que toute personne qui a subi un préjudice résultant
directement d’une disparition forcée d’un proche ait accès à toutes les informations
disponibles qui pourraient être utiles pour déterminer où se trouve la personne
disparue ;
e)
De veiller à collecter systématiquement des données ventilées sur les
personnes victimes des exactions de Boko Haram, sur le type de violation, le préjudice
causé et, si possible, l’identité des auteurs présumés afin de pouvoir s’acquitter
pleinement de ses obligations une fois qu’il aura repris le contrôle de l’extrême-nord
du Cameroun, et de veiller à ce que les responsables soient poursuivis et aient à
répondre de leurs actes ;
f)
De fournir une réparation effective à toutes les victimes, y compris une
indemnisation équitable et adéquate et la réadaptation la plus complète possible.
Recours généralisé à la torture dans des centres de détention au secret
11.
Tout en reconnaissant le devoir légitime de l’État partie de protéger sa population
face à des attaques terroristes, le Comité reste vivement préoccupé par des informations
émanant de sources crédibles indiquant que le recours à la torture par les forces de sécurité
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est très répandu. Le Comité prend note des
informations reçues selon lesquelles entre 2013 et 2017 de nombreuses personnes
originaires de l’extrême-nord, soupçonnées de soutenir Boko Haram, auraient été détenues
au secret par l’armée régulière et par des membres du bataillon d’intervention rapide dans
au moins 20 centres de détention non officiels, tels que le quartier général du bataillon à
Salak ou le centre administré par la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE)
connu sous le nom de « DGRE Lac ». Selon ces mêmes informations, les détenus y auraient
subi plusieurs méthodes de torture associées à des conditions de détention inhumaines, qui
auraient provoqué des dizaines de décès. Des hauts gradés de la Direction générale de la
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